Secret des correspondances et du fichier informatique des salariés : La jurisprudence évolue …
Dans les situations de sanction disciplinaire, bien souvent, l’employeur est tenté de rechercher la preuve d’un grief, voire même la simple confirmation d’un soupçon, dans les fichiers informatiques du salarié. Néanmoins, cette recherche que d’aucuns ont baptisé « pêche aux filets dérivants » est limitée par la Cour de cassation au regard des droits personnels des salariés. C’est le cas pour le droit au secret des correspondances, dont la violation est pénalement sanctionnée, ainsi que du droit au respect de la vie privée sur ses fichiers personnels. Si dans un premier temps, la protection a été très largement entendue par le Juge du travail, les considérations pratiques ont amené à infléchir assez rapidement cette position, car de nos jours « tout est informatique ». Le premier pas a été fait pour ce qui concerne les correspondances qui bénéficient maintenant de la présomption de professionnalité, sauf mention expresse « personnel » ou « personnel et confidentiel ». Il restait à savoir ce que pourrait être la transposition de cette règle concernant les fichiers créés par le salarié. En effet, lorsque l’employeur mène l’enquête, il ouvre hors la présence de l’intéressé les fichiers et se trouve donc susceptible de prendre connaissance, par accident, de données personnelles. Par un arrêt important du 10 mai 2012, la Cour de cassation confirme que le caractère personnel du fichier assure sa protection mais exige que ce caractère résulte d’une mention claire et non équivoque. La règle se précise donc pour les deux parties au contrat de travail : Le salarié ne pourra obtenir la protection des fichiers ou des courriers que s’ils sont enregistrés sous le titre « personnel » ou encore « privé ». Dans l’affaire qui a donné lieu à cassation, la haute juridiction a considéré que la rubrique préenregistrée « mes documents » est insuffisante pour assurer cette protection personnelle. L’employeur bénéficie d’une présomption générale de professionnalité dont la limite est la mention expresse de « privacy » donnée par le salarié. Il faut d’ailleurs préciser que lorsque le fichier enregistré dans l’ordinateur mis à sa disposition pour l’exécution du travail porte la dénomination « personnel », l’employeur conserve la possibilité, s’il estime que ce fichier constitue ou établit la faute commise par le salarié, d’en demander néanmoins l’ouverture. Mais dans ce cas, le salarié doit être présent ou avoir été dûment appelé, sauf dans le cas exceptionnel d’un risque particulier, réservé par la jurisprudence. Ici, le droit accompagne donc l’évolution de notre Société informatisée et la règle qu’il pose est logique : (i) l’ordinateur de travail est destiné à une utilisation au profit de l’employeur, (ii) l’enregistrement de courriels et fichiers personnels ne constitue qu’une tolérance, (iii) et qu’en conséquence, ces derniers restent protégés par le respect de la vie privée et des correspondances mais ne peuvent constituer des sanctuaires inviolables.