L’application de la nouvelle prescription triennale en matière de rappel de salaires. La loi relative à la sécurisation de l’emploi, votée le 14 mai 2013, a été publiée au Journal Officiel le 14 juin 2013, rentrant alors en vigueur. Elle prévoit une réduction notable des délais de prescription des actions du salarié, concernant son contrat de travail ainsi que les demandes liées au paiement de salaires.
I. Les dispositions de la loi sur les rappels de salaire : une nouvelle prescription triennale
En effet, la loi est venue réduire de 5 ans à 3 ans le délai de prescription applicable aux rappels de salaire (article 21, V de la loi relative à la sécurisation de l’emploi), modifiant l’article L. 3245-1 du Code du travail comme suit :
« L’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat ». Cette prescription triennale en la matière constitue une exception au nouveau principe de prescription biennale concernant le contrat de travail du salarié, et consacré par cette même loi par l’article L. 1471-1 du Code du travail : « toute action portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit ». Cette réduction générale des délais de prescription a pour objectif principal une meilleure protection de l’entreprise face à aux actions prud’homales intentées par des salariés : néanmoins, il semble qu’elle gêne considérablement la longue phase de négociation, souvent préférée à une résolution judiciaire, et toujours préalable à un éventuel contentieux. Conformément au nouvel article L. 3245-1, un salarié ne peut donc demander un rappel de salaires, d’heures supplémentaires ou complémentaires, de primes ou d’indemnités que jusqu’à 3 années en arrière à compter du jour de la rupture du contrat de travail si celui-ci l’a été, et en cas contraire à compter du jour de la réclamation. Le salarié dispose ensuite de 3 ans pour les réclamer, cette fois-ci à compter du jour où le demandeur a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer ce droit de rappel. On distingue de cette façon le point de départ du calcul des salaires exigibles du point de départ du délai de prescription. II. Les mesures liées à la période transitoire : l’application logique du droit commun Il n’y a pas de mesure transitoire spécifique à ce changement de prescription légale. Conformément au droit commun, la loi de sécurisation de l’emploi reprend l’article 2222 du Code civil : ces nouveaux délais de prescription s’appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de la loi, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
De cette façon, lorsque, pour une créance salariale quelconque, la prescription quinquennale a déjà commencé à courir avant la date de promulgation de la loi et dans ce cas uniquement, le nouveau délai s’applique à compter de cette date de promulgation. Mais si l’application de la nouvelle prescription porte alors la durée totale de prescription au-delà de 5 ans, l’ancienne prescription quinquennale sera préférée et appliquée en lieu et place de la nouvelle. Prenons quelques exemples : Exemple 1 : un salarié a vu sa créance de salaire naître le 1er mars 2009, avant la promulgation de la loi le 14 juin 2013. – selon l’ancienne prescription quinquennale, il pourrait la réclamer jusqu’au 1er mars 2014. – selon la nouvelle prescription triennale, qui commence à courir à partir du 14 juin 2013 (date de promulgation de la loi), il pourrait la réclamer jusqu’au 14 juin 2016. Or, si on considère son action prescrite à partir du 14 juin 2016 en application de la nouvelle réglementation, la durée totale de la prescription sera portée à plus de 5 ans : elle durera du 1er mars 2009 au 14 juin 2016, soit plus de 7 ans.
En ce cas, l’ancienne prescription quinquennale trouve application, et la créance du salarié ne sera exigible que jusqu’au 1er mars 2014, date à laquelle l’action sera prescrite. Exemple 2 : un salarié a vu sa créance de salaire naître le 1er février 2012, avant la promulgation de la loi le 14 juin 2013. – selon l’ancienne prescription quinquennale, il pourrait la réclamer jusqu’au 1er février 2017. – selon la nouvelle prescription triennale (qui commence à courir à partir du 14 juin 2013), il pourrait la réclamer jusqu’au 14 juin 2016. En ce cas, l’application de la nouvelle réglementation ne porte pas la durée de prescription de l’action au-delà du 1er février 2017, date d’extinction de l’action en application de l’ancienne prescription quinquennale. La nouvelle prescription triennale s’applique donc en l’espèce, et le salarié verra son action prescrite le 14 juin 2016. Exemple 3 : un salarié qui a vu sa créance de salaire naître le 1er septembre 2013 va se voir appliquer la nouvelle prescription triennale. En effet, sa créance est née après la promulgation de la loi, le 14 juin 2013 : il ne pourra donc exiger ce salaire que jusqu’au 1er septembre 2016, date à laquelle l’action sera prescrite. Néanmoins, sans disposition particulière à ce propos, les instances introduites avant la promulgation de la loi continueront évidemment à relever de l’ancienne prescription de 5 ans : cette nouvelle loi est, conformément au droit commun, sans incidence sur les affaires en cours. Ainsi, la loi s’applique aux prescriptions en cours selon les modalités habituelles en la matière, et ne s’applique pas aux instances en cours. On peut noter que, la loi ayant été déférée au Conseil Constitutionnel conformément à l’article 61 de la Constitution, son article 21 modifiant l’article 3245-1 du Code du travail n’a pas été remis en cause par le Conseil, qui a néanmoins pu déclarer d’autres dispositions de la loi inconstitutionnelles (Décision n°2013-672 DC du 13 juin 2013).