Prise d’acte de rupture : on accélère !
La problématique de ce qu’on a appelé l’« auto-licenciement » est bien connue.
Il s’agit, pour un salarié qui estime que son employeur est en faute à son égard, de lui signifier qu’il entend pour cette raison prendre « acte de la rupture du contrat de travail ».
L’inconvénient majeur de cette situation est que la qualification de cette rupture dépend in fine de la décision que prendra le Juge prud’homal, obligatoirement saisi :
– soit il considère que le manquement était suffisamment grave sur le plan contractuel ou règlementaire pour que le salarié ne puisse pas continuer à travailler, et valide l’interruption de la relation contractuelle. Dans ce cas, il s’agit d’un licenciement par nature sans cause réelle ni sérieuse, et qui doit recevoir indemnisation.
– soit il estime que le manquement était d’une gravité insuffisante ou que l’analyse faite par le salarié en était inexacte, et dans ce cas la rupture est qualifiée de démission.
L’intervention du Juge est donc fondamentale.
Dans cette situation d’incertitude et en présence d’enjeux financiers souvent importants, les délais d’examen au fond des procédures prud’homales (29 mois à Nanterre par exemple !) étaient particulièrement pénibles et durables. Pôle Emploi avait réagi en imaginant une prise en compte temporaire et « réversible » dans l’attente de la décision du Juge. Néanmoins, la durée de l’instance était particulièrement bloquante pour le salarié, qui se trouvait dans l’incapacité de tourner la page, et pour l’entreprise qui devait provisionner les sommes en litige.
Comme par ailleurs le Juge prud’homal se montre habituellement assez exigeant (voire même sévère) dans l’appréciation des motifs de la « prise d’acte », ce moyen n’était plus employé qu’en désespoir de cause et dans les situations les plus insupportables. Peut-être était-ce dans l’ordre des choses…
La pratique orientait donc le plus souvent les salariés vers une demande en résiliation judiciaire du contrat de travail, qui présente l’inconvénient majeur de laisser perdurer la relation contractuelle jusqu’à ce que le Juge statue. Certes, une telle « cohabitation forcée » du salarié et de l’employeur en litige favorise généralement la recherche d’une solution amiable, mais elle peut aussi déboucher sur des arrêts de travail à rallonge au grand détriment de l’équilibre des comptes sociaux. Enfin, sur le plan stratégique, les salariés étaient fréquemment amenés à retarder leur prise d’acte jusqu’au jour où ils avaient la certitude d’avoir trouvé un autre emploi, avec le risque de se voir reprocher ultérieurement un calcul purement spéculatif et de mauvais aloi.
La Loi du 1er juillet 2014 est venue changer radicalement ce paysage.
Désormais, le Conseil de prud’hommes saisi d’une demande de requalification de prise d’acte de rupture du contrat de travail doit statuer dans le délai d’un mois. C’est donc en principe la fin de l’incertitude et le retour à une situation beaucoup plus saine.Néanmoins, l’intendance suivra-t-elle ?
On sait que le manque d’effectif des juridictions prud’homales et le principe même de leur fonctionnement bénévole et paritaire, les empêchent la plupart du temps de répondre aux brefs délais qui leur sont imposés par la Loi en d’autres matières.